Un Balai !
Un léger sourire s’étalait sur le visage de Kari. Elle se tourna et se retourna devant son miroir. Rien à dire, sa tenue était irréprochable. En tant que chef de propreté, elle se devait d’être toujours très propre et correctement vêtue afin de servir d’exemple à ses condisciples. De plus, elle se devait de faire bonne impression en ce jour si elle voulait être élue. Elle se détourna de la glace, prit son cartable posé sur son lit et sortit de sa chambre. Il était tant de partir à l’école.
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Assise dans l’autobus scolaire, elle répétait intérieurement le discours qu’elle prononcerait l’après-midi lors de l’élection du président du Club Environnement de son lycée. Elle se devait d’être convaincante si elle voulait être élue et ainsi pouvoir embellir son école. En effet, il y avait trop de laisser aller au sein de l’établissement. Il était rare que les classes soient propres et les élèves, faisant fi des nombreuses poubelles disposées un peu partout dans le lycée, prenaient un malin plaisir à jeter leurs emballages de nourritures, leurs bout de papiers ou autres détritus dans la cour de l’école à telle enseigne que celle-ci ressemblait à un vaste dépotoir. Kari espérait insuffler une toute autre manière d’agir à ses camarades élèves, mais pour y parvenir, il était impératif qu’elle soit la présidente du Club Environnement pour disposer des moyens nécessaires afin de pouvoir réaliser son rêve. Elle les voyait déjà, ses camarades élèves, entrain de nettoyer leurs classes et la cour de l’école lors de la journée du ménage qu’elle comptait instituer si elle était élue. Comme elle voulait voir son rêve se réaliser…
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Kari fut tirée de ses rêveries par une odeur nauséabonde provenant de l’extérieur du bus. A travers la vitre entrouverte, se voyait, étalé sur le côté droit de la route, un tas d’immondices. Gênée par la forte odeur des détritus, Kari ferma complètement la fenêtre. Comment était-ce possible qu’on laisse une telle situation demeurer ? Comment les autorités pouvaient ils laisser une telle situation perdurer ? Car en effet c’était devenu chose commune de voir dans nos rues d’importants tas d’ordures reposer sur le trottoir. Kari avait franchement honte à chaque fois qu’elle rencontrait pareille spectacle sur son chemin. Un étranger voyant cela aurait tôt fait de traiter les habitants de ce pays de personnes sales et il aurait, vu la récurrence des faits, entièrement raison. Il fallait donc agir rapidement pour stopper ce phénomène, il en va de l’honneur et de l’image de notre pays.
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Kari en était encore à ruminer sa colère contre les personnes qui entachaient l’image du pays en salissant ses voies lorsque l’autobus arriva à destination et se gara près de la façade ouest du lycée. Que ne fut la surprise de Kari lorsqu’elle descendit du bus ! Que ne fut le haut-le-cœur qui la saisit à la seconde même où son pied foula le sol et son nez huma l’air de son lycée. Là, devant elle, et sur tout le long du mur, se trouvaient agglutinés des déchets en tout genre qui n’avait rien avoir avec ceux pouvant se trouver au sein d’un établissement scolaire. Ils étaient d’une importance telle que Kari en avait le tournis. C’était le comble. Le summum du dégoûtant. De-ci de-là se voyaient de grosses mouches. Des asticots et autre larves pullulaient, se délectant de la pourriture. Que ne fut la nausée qui saisit Kari ! Ici, oui ici, dans son établissement, son pire cauchemar. Non ! Ce ne pouvait être possible ! Qu’avait-t-il pu se passer pour en arriver là ? Il semblait qu’aucun de ses condisciples n’aient une réponse. Tous se pinçaient le nez et se dirigeaient chacun vers sa classe le plus naturellement possible. Rares étaient ceux qui, comme elle, s’indignaient de cet état de fait. Kari en fut ulcérée. Ces condisciples se préoccupaient donc si peu de leur environnement, de leur santé, de la propreté de leur milieu de vie ? Comment le proviseur avait-il pu laisser cet état de fait se produire ?
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Assise sur son banc, Kari regardait, sans vraiment les voir, ses condisciples entrain de jeter leurs sachets d’eaux et de jus vides sur le sol de la classe qu’elle venait pourtant de balayer. D’habitude, une telle attitude l’aurait grandement énervée et elle se serait mise à invectiver ses camarades élèves, cependant, cette matinée la voyait totalement impassible face à cette énième violation de la propreté de sa classe. Il faut dire qu’en ce jour, des sujets plus sérieux occupaient son esprit. Une rumeur suggérait que les ordures présentes dans le lycée auraient été nuitamment apportées par les riverains aux abords de l’établissement. Une autre affirmait même que c’était avec l’accord du proviseur que ses ordures étaient présentes et que celui-ci aurait perçu une certaine somme pour le service rendu. Kari n’avait jamais donné crédit aux rumeurs quelles qu’elles fussent, néanmoins, celles-ci attisaient la réflexion. Kari avait vraiment mal pour son lycée. Comment pouvait-on avoir si peu de considération pour la santé d’autrui ? Ces ordures étaient porteuses de maladies, les personnes qui les avaient déversées le savaient-ils ? Le proviseur devait agir pour préserver la santé de ses administrés. Kari était sure que si ses camarades élèves pouvaient subodorer le danger qui pesait sur eux, leur attitude changerait et ils lutteraient avec elle pour la propreté de l’établissement au lieu de rester indifférent comme aujourd’hui au drame qui se jouait sous leurs yeux. C’est pourquoi, Kari devait être élue cette après-midi pour pouvoir ouvrir les yeux de ses amis et les sauver du péril vers lequel ils couraient.
Les minutes qui suivirent la sonnerie indiquant l’arrêt des cours de la matinée virent tous les élèves de l’établissement se déverser dans la cour de l’école, les uns se dirigeant vers la cantine, les autres vers le marché. Kari, elle, se dirigea vers la salle de conférence où se tiendraient les élections. Celle-ci était tout sauf emplie. Seule une dizaine d’élèves étaient présents. Cela attrista un tant soit peu Kari, néanmoins, celle-ci espérait que la salle se remplirait avant quatorze heure, l’heure des élections. Hélas, à quatorze heures moins le quart, pas même le huitième des sièges présents n’était occupé. Cela traduisait à quel point les élèves de l’établissement se moquaient de leur environnement. A quatorze heures, monsieur Gnepo, le professeur responsable du club d’environnement, monta sur l’estrade et s’adressa à la maigre assemblée. Il remercia les élèves qui avaient pu se déplacer et déplora qu’ils soient si peu nombreux. En quelques lignes il donna les raisons pour lesquelles cette réunion se tenait puis énonça les différentes tares de l’établissement au niveau du maintien de la propreté.
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«â€¯ … Et le comble, ajouta t-il, c’est que l’établissement ne fait rien pour enrayer cet état de fait. Aujourd’hui, comme vous tous surement, j’ai été outré de découvrir en entrant dans le lycée, que celui-ci avait été transformé en décharge municipale sans que cela ait émue une quelconque personne au sein de l’administration. Même vos camarades élèves n’ont rien vu d’alarmant ou d’étonnant dans la présence de cet amas d’ordures au sein du lycée. Leur absence fortement remarquée cet après-midi le démontre. Il temporisa un moment tout en lançant un rapide regard à la ronde.
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Amis élèves, reprit il, notre école se meurt. Oui, notre école va à la dérive et notre rôle à nous, membres du club d’environnement, est de la sauver. C’est pourquoi celui ou celle qui sera élue en ce jour aura la lourde charge de mener vers la plage de la propreté le navire qu’est ce lycée, navire déjà profondément enlisé dans l’insalubrité. A présent je vais demander aux candidats de venir me rejoindre sur l’estrade et de présenter leur plan de campagne ».
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Kari se joignit aux quatre candidats qui montèrent sur l’estrade. Chacun tenta de convaincre l’auditoire en dénonçant à grand cris les problèmes précédemment cités par monsieur Gnepo puis en proposant des solutions qu’ils appliqueraient quand ils seraient élus. Lorsque son tour arriva, c’est d’une voix légèrement tremblante mais qui pris rapidement de l’assurance, que Kari présenta à ses condisciples ses projets pour le lycée. Elle fit un rapide résumé de la situation puis donna les gravissimes conséquences de cette situation, à savoir la possibilité de contracter des maladies telles la fièvre typhoïde, le choléra ou encore la malaria. Pour éviter ces infections, elle proposa d’amener les élèves à prendre conscience du danger que représentait cette insalubrité à travers diverses campagnes de sensibilisations et l’instauration d’une journée du ménage durant laquelle tous les élèves nettoieront l’établissement.
«â€¯… Pour finir, conclu-t-elle, j’ajouterai que seul, l’on ne peut rien, mais c’est ensemble que nous pourrons faire de notre école un espace sain et propre où il est agréable d’étudier. Je vous remercie. »
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Comme tous les candidats passés avant elle, Kari eu droit à des applaudissements. A la suite de ceux-ci suivit le vote proprement dit. Celui-ci se fit à main levée vu le nombre infime de votant. A la grande joie de Kari, lorsque son nom fut prononcé, plus de la moitié des votants avaient levé leurs mains.
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«â€¯Amis élèves, commença monsieur Gnepo après la salve d’applaudissement qui suivit la victoire de Kari, en élisant cet après-midi le président de votre club d’environnement, celui là – en l’occurrence celle là – même qui défendra et veillera en votre nom au maintien de la propreté dans votre lycée, vous montrez là votre détermination à embellir votre école et à la tenir éloigner de l’insalubrité. Je vous en remercie. Mais cette élection, vous devez le savoir, ne signifie pas l’accomplissement de nos souhaits ni la fin de notre combat. Au contraire, elle n’est qu’une étape sur la route qui conduit à l’embellissement de cet établissement, mieux, elle n’en est que le départ. Une longue route nous attend, une route parsemée d’embuches et d’obstacles. J’espère que le désir de voir votre école propre vous aidera à surmonter ces obstacles. Je sais pouvoir compter sur votre soutien et je vous saurai gré de bien vouloir le manifester à la présidente et à son bureau. Comme elle l’a si bien dit précédemment, elle aura besoin de vous car seule, elle ne peut rien. »
D’autres applaudissements suivirent ces propos ensuite l’on passa à la constitution du bureau qui se fit léger avec seulement six membres. Il fut décidé que celui-ci se réunirait tous les mercredis après-midi.
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Après que le reste de l’assemblée soit parti, le bureau du club environnement tint sa première réunion. Il s’agissait de définir le chronogramme du plan d’action du club pour embellir le lycée. Certains voulaient que le club achète des fleurs pour ajouter une teinte colorée à l’établissement, d’autres encore voulaient que le club achète des pots de peinture pour repeindre les bâtiments et les salles de classes afin de faire reluire l’école. Kari, elle, pensait que pour assurer une longévité à ces futures améliorations, il fallait sensibiliser les premiers bénéficiaires, c'est-à-dire les élèves.
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«â€¯S’il vous plaît, commença Alain le commissaire au compte, ne nous précipitons pas. A quoi serviraient des fleurs à côté d’un tas d’ordures ? Comment voulez-vous qu’on fasse attention à des bâtiments même repeints si ceux-ci empestent ? Je pense que la meilleure manière de sensibiliser nos condisciples serait de poser des actes concrets pour assainir notre école et si nous devons dépenser de l’argent – argent que nous n’avons pas encore – dépensons pour rendre l’école propre car c’est la première étape de l’embellissement d’un endroit. Je propose donc que notre première action soit d’enlever la montagne d’ordures qui a élu domicile au sein de notre établissement. »
Tous les membres du bureau approuvèrent le raisonnement d’Alain. Il est vrai que le problème immédiat était ces ordures présentes dans le lycée, surtout celles découvertes le matin même. Kari se leva et s’adressa à l’assemblée :
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«â€¯Je suis entièrement d’accord avec Alain, de plus, je crois que tout en nettoyant le lycée nous pourrions également sensibiliser nos amis élèves, cela nous demandera juste un effort d’organisation. Je propose donc que tout juste après la réunion, nous nous rendions chez le proviseur pour d’une part lui présenter le bureau et d’autre part avoir des explications sur l’amas d’ordures présent au sein de l’établissement et voir avec lui ce que nous pourrions faire pour l’enlever. Ensuite, je propose que nous nous divisions en deux groupes qui sillonneront toutes les classes du lycée le matin avant les cours et durant la récréation afin de sensibiliser nos amis élèves sur l’importance du maintien de la propreté de notre cadre de vie. »
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Après une brève concertation, les membres du conseil agréèrent l’idée de leur présidente. Ils débattirent ensuite sur le montant de la cotisation hebdomadaire par personne, formèrent les deux groupes qui sillonneront les classes puis mirent fin à leur réunion.
Lorsqu’ils arrivèrent au secrétariat du proviseur et demandèrent à le voir, celui-ci les reçu immédiatement dans son bureau.
«â€¯C’est donc vous les nouveaux membres du bureau du club environnement du lycée ! S’exclama t-il d’une voix trop enjouée. Mon Dieu que vous êtes jeunes ! Mais c’est une bonne chose pour ce lycée que même les plus jeunes prennent conscience de l’importance de la préservation de la salubrité de leur lycée et comme on dit, aux âmes bien nées la valeur n’attend point le nombre des années. J’en suis très heureux. Mais asseyez-vous voyons. Dit-il en les voyant debout comme des piquets au seuil de la porte. »
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Ceux-ci s’assirent l’air incertain, déroutés qu’ils étaient par un accueil aussi chaleureux. Tour à tour ils se présentèrent et donnèrent leur fonction au sein du bureau.
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- Ah c’est bien, affirma le proviseur après qu’ils aient fini de se présenter. C’est bien que vous sachiez vous organiser étant si jeune, c’est une bonne chose. Il est dommage que vous soyez en si faible nombre mais je pense que vous ferez un bon boulot. Mais dites-moi, en quoi pourrais-je vous être utile ?
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- En fait monsieur le proviseur, commença Kari, notre bureau vient d’être formé et nous n’avons pas une idée très précise de nos activités futures mais, sachez que nous vous tiendrons informé de toute les décisions que nous prendrons pour la propreté du lycée et votre contribution, je puis vous l’assurer, sera sollicitée. Néanmoins, monsieur le proviseur, en tant que membres du club environnement, nous avons été réellement choqués de découvrir ce matin en entrant dans notre lycée la montagne d’ordures qui siège sur la façade ouest de notre établissement. Et nous ne comprenons pas comment cela a pu se produire ?
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Le large sourire qui ornait le visage du proviseur depuis le début de l’entretien se figea soudainement pour laisser place à une indignation qui ne semblait pas naturelle.
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- Ah mon enfant! fit-il d’une manière théâtrale, j’ai été aussi choqué que vous ce matin lorsque j’entrai dans l’établissement. C’est absolument scandaleux ! Amadou le gardien m’avait appelé très tôt le matin pour m’en informer, mais je ne l’ai cru que lorsque je suis arrivé ici. Il pense, je parle d’Amadou, que ces ordures ont été amenées nuitamment par les riverains. Si cela est vrai, c’est vraiment déplorable. Comme il fallait s’y attendre, j’ai immédiatement informé le ministre afin qu’il nous envoie des vigiles, pas que je n’ai pas confiance en Amadou mais il ne peut pas être partout à la fois et je pense qu’avec plus de gardiens, ces populations qui ne pensent pas au bien être des élèves seront freinées dans leur désir de pollution. Aussi, ai-je obtenu la promesse du ministre qu’il nous enverrait des camions-poubelles pour enlever la montagne d’ordures que ces riverains ont déversées. Je crois qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter, conclu-t-il, un large sourire aux lèvres.
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- Voilà qui nous rassure monsieur le proviseur, affirma Kari, néanmoins un autre problème demeure. Que comptez-vous faire pour les autres cas d’insalubrité du lycée ?
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- Pour ces cas-là, dit-il d’un air qui se voulait décontracter, nous payons des femmes qui nettoient le lycée chaque deux semaine. Pour le reste, il faudrait sensibiliser les élèves pour qu’ils maintiennent l’école toujours propre et ça, c’est votre travail à vous mes enfants. Ah ! Le temps s’est joué de nous, fit il en regardant sa montre. Mes chers enfants j’ai du travail à finir, j’ai été très heureux de vous rencontrer et j’espère que vous m’aiderai dans le maintien de la propreté et l’embellissement de l’établissement ?
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- C’est là, monsieur le proviseur, notre plus cher désir, affirma Kari en serrant la main du proviseur. »
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Sur ce, les membres du bureau du club environnement sortirent du bureau du proviseur après l’avoir salué. Dehors les commentaires sur l’entretien ne tarirent point.
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« Il nous a carrément chassés au moment où on abordait le sujet sensible. Il est évident qu’il cache quelque chose, affirma Khalil le vice-président.
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- Je suis tout à fait d’accord avec toi, renchérit Fatim la secrétaire. Il y avait quelque chose de faux dans son attitude, tu ne trouves pas Kari ?
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- Je ne sais pas, fit celle-ci. Qu’il est été sincère ou non n’est pas vraiment important. De plus, il ne nous appartient pas de juger nos enseignants encore moins notre proviseur. Je pense qu’on devrait le laisser régler le problème des ordures. Nous, remplissons notre part du contrat en sensibilisant nos amis et concentrons-nous sur cet objectif. Je pense que lors de notre sensibilisation de demain, nous devrions insérer dans nos différents discours l’organisation d’un concours de la classe la plus propre. Je verrai avec le proviseur s’il ne serait pas possible de bonifier les moyennes en conduites des élèves de la classe qui gagnera ce concours en guise de récompense. Je pense que cela motivera nos condisciples à maintenir leurs classes propres. »
Tous agréèrent la nouvelle idée de Kari puis se quittèrent.
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C’est toute contente que Kari arriva à la maison. Elle avait été élue, la première étape pour rendre à son lycée ses lettres de noblesse en termes de salubrité était accomplie.
Le lendemain ressemblait un tant soit peu au jour précédent. Il y avait toujours les ordures et leurs odeurs sur la route du lycée et à l’intérieur du lycée. Toujours la même indifférence des élèves face à cet état de fait. La différence entre cette journée et la précédente était que ce jour marquait le début des activités du bureau du club environnement. C’est après avoir nettoyé leurs classes respectives et sensibilisé individuellement les élèves de leurs classes que les membres du bureau se retrouvèrent et se scindèrent en deux groupes pour sillonner les autres classes. Kari était avec Alain et Joanna la trésorière. Kari fut très peinée car dans toutes les classes où ils passèrent, les élèves ne leurs accordaient aucune attention. Ils se contentaient de leur lancer des sourires navrés comme s’ils étaient des personnes folles en pleines divagations. Néanmoins dans l’une des classes qu’ils visitèrent, un élève leur posa des questions auxquelles ils se firent une joie de répondre.
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«â€¯Donc, continuait l’élève, si je comprends bien, vous me demandez de balayer ma classe pour avoir un bonus sur ma moyenne en conduite à la fin du trimestre ?
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- C’est à peu près cela, répondit Alain, mais il faut que tu comprennes que l’important est de garder ton lieu d’étude sain afin d’éviter des maladies…
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- Donc, en fait, le coupa l’élève, vous voulez que le grand Kévin s’abaisse et respire la poussière pour rendre sa classe propre à cause d’un point en plus sur sa moyenne en conduite qui ne va même pas compter dans la moyenne générale.
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- Non, il ne s’agit pas de cela, commença Kari. Nous parlons de ta santé et…
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- Excuse-moi, l’interrompit une jeune fille. Vous nous dites que notre classe et notre personne doivent respirer la propreté. Est-ce que pour être propre je suis obligé de m’habiller aussi mal que toi ? 
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Cette remarque déclencha un tonnerre de rire dans la salle. Ignorant l’insulte, Kari répondit :
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- Être propre veut simplement dire porter des habits propres et être soi-même propre. Du moment où l’habit respecte les critères de l’école et est propre, cela suffit je pense. L’important n’est pas de connaître la marque de l’habit ou par quel couturier il a été cousu.
- Ce n’est pas important pour toi, reprit la fille, mais je te comprends et je compati à ta douleur. »
Cette remarque draina encore plus de rire que la première.
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La situation fut similaire dans la plus part des classes où ils allèrent. Critiques acerbes se succédaient comme si les élèves s’étaient donnés un mot de passe. Le second groupe ne fut pas lui non plus épargnés par les mêmes critiques et cela dura durant les deux semaines de sensibilisations. Force fut à Kari de reconnaître que bien qu’ils aient eu la détermination nécessaire et la résistance à toute épreuve, leur sensibilisation fut vaine. Rien n’avait changé dans les habitudes des élèves, pire, Kari avait l’impression que leur désir de pollution s’était accru. Heureusement, comme le proviseur l’avait précédemment dit, des femmes venaient nettoyer les salles de classes. Mais le délai de deux semaines était trop long. Force aussi était de reconnaître qu’en plus du désir de pollution des élèves, les ordures déposées par les riverains étaient toujours présentent et avaient sensiblement augmentées. Aucun camion-poubelle n’était venu les enlever. De plus, Amadou restait le seul et unique gardien du lycée. Le ministre avait-il oublié sa promesse ? Aussi, devenait-il de plus en plus ardu de rencontrer le proviseur toujours en réunion, et les rares fois où le bureau l’avait rencontré ses réponses aux questions portant sur le sujet sensible se faisaient de plus en plus évasives et incohérentes. Néanmoins les membres du bureau ne laissèrent pas le découragement les submerger. Ils tentèrent toujours dans leurs réunions de trouver des solutions aux problèmes qui minaient leur école.
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«â€¯ Je propose que chaque soir nous nettoyons la cour de l’école et qu’une fois par semaine - je pense aux mercredis après-midi –nous balayons les salles de classes, proposa Fatim.
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- Mais c’est nous qui allons faire le plus de boulot, se plaignit Khalil. Le but de la sensibilisation est que les élèves prennent eux même soin de leur école, comment veux-tu qu’ils nettoient l’école si tu le fais à leur place ?
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- Justement, reprit Fatim, en nous regardant faire ils comprendront comment c’est important pour nous. Les plus sensibles viendront nous aider et le reste suivra.
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- Je ne voudrais pas te réveiller mademoiselle mais là tu es sur un doux nuage, riposta Khalil d’un ton sarcastique. Tu les as vus quand nous sommes passés dans leurs classes. Tu as vu leurs réactions, tu as même été sujette à leurs critiques. Tu penses sérieusement qu’il y a parmi eux des sensibles ?
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- N’oublions pas qu’un problème majeur reste sans solutions, rappela Alain. Comment allons-nous faire pour enlever les ordures déposées par nos voisins ?
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- J’ai également longuement réfléchit pour trouver une solution à ce problème et j’ai remarqué que nous avions les moyens nécessaires pour payer des pousses-poussiers qui enlèveront cette montagne d’ordures pour nous, suggéra Joanna.
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- Il n’est pas question que nous dépensions tous nos fonds pour un travail que l’administration devrait faire, s’indigna Khalil. Je propose que nous en parlions à nos parents. Eux sauront mettre la pression sur le proviseur afin qu’il nous enlève ces ordures.
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- Non je ne pense pas que nous devions en parler aux parents, intervient Kari, soucieuse de ménager l’administration. En tout cas pas maintenant, ajouta-t-elle. Je pense que nous devrions enlever ces ordures avec nos propres moyens. Je pense que si nous le faisons, l’administration aura si honte qu’elle nous aidera dans le maintien de la propreté du lycée. Cependant, je comptais sur nos fonds pour nos activités futures à savoir la journée du ménage que je prévois pour la semaine prochaine. Pensez-vous que nous pourrons l’organiser ?
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- Toi aussi tu veux organiser une activité où l’on sera les seuls à travailler, fit Khalil d’un ton où pointait le désappointement. Vous êtes masochistes ou quoi ? Pourquoi pensez-vous que si l’on organise une activité où l’on se salit ils vont accourir ?
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- Je ne pense pas qu’ils vont accourir mais je compte sur l’administration pour les obliger à nettoyer leur établissement, répondit Kari.
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- Et tu penses que les forcer à faire quelque chose qu’ils ne veulent pas faire va les amener à comprendre à quel point la propreté est importante ? interrogea Khalil de plus en plus sceptique.
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- Non, je pense que lorsqu’on t’oblige à faire quelque chose que tu ne veux pas faire, tu cherches à tout faire pour éviter qu’on t’oblige à le refaire. Dans leur cas, ils prendront soin de leur classe et éviteront de salir la cour de l’école pour éviter d’avoir à nettoyer toute l’école. Mais pour avoir le soutien de l’établissement il faudrait que nous enlevions toutes ces ordures ce qui videra complètement notre caisse. Quelqu’un aurait-il une solution à proposer ? demanda Kari à la ronde.
Tous se regardèrent d’un air indécis.
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- Pourquoi ne demanderait-on pas à l’administration de nous aider ? demanda Joanna.
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- Je ne pense pas que nous devrions attendre grande chose de l’administration, affirma Kari.
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- Je propose que nous demandions au conseil scolaire de nous aider. Ils avaient promis de mettre un accent sur la propreté s’ils étaient élus, suggéra Fatim.
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- Peut-être vois-tu un accent sinon moi je vois un gros point d’interrogation à la place, ironisa Khalil.
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- En parlant de conseil scolaire, on pourrait faire comme eux, à savoir faire cotiser les élèves, proposa Alain.
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- Et tu crois qu’ils vont donner de l’argent pour se salir ? demanda d’un ton sarcastique Khalil. Au fait, quand pensez-vous organiser votre journée du ménage ?
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- Je ne sais pas encore, répondit Kari. J’en discuterai avec le proviseur. Mais je voudrais savoir si vous êtes avec moi pour l’organisation de cette journée?
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Les membres du conseil ne soulevèrent aucunes objections. Il fut donc décidé que Kari irait en parler au proviseur pour avoir son approbation. Ils décidèrent aussi d’aller payer dès le lendemain les pousse-poussiers afin qu’ils libèrent l’école de l’amas d’ordures nuitamment envoyé par les riverains.
Le vendredi vit les fameux pousse-poussiers enlever les ordures et les fourrer dans leurs brouettes en bois. Que ne fut l’immense joie qui emplit Kari à la simple vue du départ de tous ces déchets de son école. Elle venait, elle le savait, de marquer un gros coup qui aura de fortes incidences à l’avenir sur l’établissement. A présent que la façade ouest du lycée avait été nettoyée, Kari se dirigea avec Alain vers la façade australe où se trouvaient les bâtiments administratifs. C’est un proviseur fortement submergé de travail qui les reçut.
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«â€¯Comme vous pouvez le voir mes enfants, nous sommes horriblement débordés, affirma-t-il d’un ton qui se voulait las. Vous n’avez pas idée de la tonne de problèmes qui nous est tombée sur la tête. Aussi, si vous êtes encore là pour les ordures, je vous ai déjà dit que le ministre a promis de les enlever, ce n’est qu’une question de temps.
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- Pour les ordures monsieur le proviseur, je ne crois plus qu’il soit nécessaire d’attendre le ministre, affirma Alain. Nous les avons enlevées avec nos propres moyens. Elles ne constituent donc plus un problème.
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- Ah… Vraiment, c’est une bonne chose. C’est bien mes enfants, dit-il d’une voix qui se voulait encourageante. Je n’en attendais pas moins de vous. Alors que…
Il fut interrompu par l’entrée de sa secrétaire.
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- Excusez-moi monsieur le proviseur, fit-elle, le directeur du département loisir d’ASGECI a rappelé, il dit qu’ils acceptent la somme que vous leur aviez demandée pour qu’ils puissent organiser leurs activités au lycée.
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- Ils sont d’accord ? Questionna le proviseur, les traits déformés par l’avidité. Tu leur as bien dit qu’ils devront payer deux cents mille francs supplémentaires pour…
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- Oui je le leur ai dit monsieur le proviseur, répondit la secrétaire.
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- Très bien, c’est bien. Ça va tu peux t’en aller, dit-il à sa secrétaire, un large sourire s’étalant sur son visage. Bien mes enfants, en quoi puis je vous aider ? demanda-t-il lorsque sa secrétaire fut partie.
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- En fait monsieur le proviseur, commença Alain, nous venons solliciter l’aide que vous nous aviez promise lors de notre première rencontre.
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- Ah… De l’aide ? fit le proviseur.
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- Oui monsieur le proviseur, répondit Kari. Nous avons décidé d’organiser une journée du ménage monsieur le proviseur. Mais comme nous avons dépensé tous nos fonds pour enlever l’amas d’ordures précédemment présent sur la façade ouest du lycée, nous avons besoin d’aide pour pouvoir acheter les balais, les serpillières, les râteaux et produits nettoyants pour nettoyer nos salles de classes. Aussi, nous aimerions que vous permettiez aux élèves de porter ce jour des ténues appropriées pour le nettoyage. C’est là, monsieur, l’aide que vous pourriez nous apporter.
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- Ah mes enfants, vous me demandez l’impossible ! S’exclama-t-il avec l’air de quelqu’un qui aurait voulu aider mais qui ne peut pas. Nous avons des problèmes et les caisses du lycée sont plus que vides. J’aimerais vous aider mais je ne peux pas.
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- Mais, vous venez pourtant de recevoir de l’argent d’une société monsieur le proviseur, s’indigna Alain. Vous ne pouvez pas y prélever une certaine somme pour nous aider ? Il s’agit de la propreté du lycée que vous administrez, de la santé de vos administrés et de la vôtre monsieur le proviseur. Vous devez faire quelque chose.
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- Mon enfant, ne parle pas de ce que tu ne sais pas. Tout l’argent que cette société va nous donner va servir à rémunérer les femmes qui viennent balayer vos salles de classes, acheter de nouveaux bancs, acheter des solutions et autres matérielles pour vos cours de sciences physiques et surtout, cet argent va servir à payer le déplacement de nos équipes sportives qui vont compéter dans les autres établissements. Et je ne sais même pas si cet argent sera suffisant pour assurer toutes ces dépenses. Vous voyez, j’en suis sûr, qu’il m’est impossible de vous donner une quelconque aide financière. 
- Je comprends monsieur le proviseur, acquiesça Kari. Néanmoins, nous devons discuter sur la date à laquelle se tiendra notre journée.
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- Il est évident que vous la ferez soit le samedi après-midi ou le dimanche, naturellement, affirma le proviseur.
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- Le samedi ! s’exclama Alain. Mais les élèves ne sont pas là le samedi après-midi ni le dimanche, or, notre but est de faire participer les élèves au nettoyage de leur école. Nous espérions que vous nous accorderiez une matinée ou à la rigueur un mercredi après-midi.
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- Ah mes enfants ! Pourquoi me demander des choses impossibles ? Je ne peux pas vous permettre de faire une manifestation durant les heures de cours. Cela perturberait le programme établit, dans votre intérêt, je ne peux le permettre. Je ne puis également vous laisser organiser votre activité le mercredi après-midi pour la simple raison que les mercredis après-midi se tiennent au lycée des cours de renforcement pour les élèves qui n’arrivent pas à bien suivre en classe. Les empêcher d’y participer serait leur porter préjudice. Et ça, ni vous, ni moi ne le souhaitons. De plus, les professeurs sont payés pour ces cours par séances. Empêcher la tenue d’une de ces séances ne leur sera pas bénéfique surtout pour ceux en difficulté. Si vous n’avez pas d’autres solutions à me proposer je suis dans l’obligation de rejeter votre demande d’organisation d’une journée du ménage au sein de mon lycée. »
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C’est totalement découragés que Kari et Alain se présentèrent devant leurs amis et leurs apprirent la triste nouvelle. Ceux-ci furent fort indignés par la réaction du proviseur. Néanmoins, ils tentèrent de trouver une solution au problème posé. Ils étaient encore à débattre sur la méthode à adopter pour organiser leur journée du ménage lorsque le professeur Gnepo vint les trouver. Il était venu les remercier d’avoir enlevé de l’école les déchets envoyés par les riverains mais il fut fortement étonné par leurs mines tristes. Kari lui expliqua en détail le problème qu’ils rencontraient à savoir, le refus du proviseur de les aider et de les laisser organiser leur journée du ménage. Monsieur Gnepo, comme l’ont été ses élèves avant lui, s’indigna de la réaction du proviseur.
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«â€¯Comment peut-il vous empêcher d’organiser une journée d’une telle importance après que vous nous ayez libéré de ces ordures, tâche qui, rappelons-le, lui incombait. Cela n’est pas possible. Je pense que je vais aller voir le proviseur et lui demander de revoir sa position. Il en va du bien-être du lycée.
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- Nous vous remercions du fond du cœur monsieur Gnepo, dit Kari, un large sourire s’étalant sur son visage. Tous nos espoirs reposent sur vous. Nos espérons que le proviseur vous écoutera.
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- Ne vous inquiétez pas, il m’écoutera. Considérez que vous la ferez votre journée. »
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Sur ce, il les laissa et s’en alla vers le bureau du proviseur. Une demi-heure plus tard, le professeur revint les informer que le proviseur avait finalement donné son accord pour que la journée se tienne le mercredi de la prochaine semaine. Il avait accepté également d’informer le corps enseignant ; cependant, il ne pouvait les aider financièrement. Ils devraient donc trouver autre part les fonds nécessaires pour l’achat de leurs balais, serpillières, râteaux et produits nettoyants.
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«â€¯Trouver les fonds n’étaient pas le plus important, affirma Kari au comble du ravissement. Le plus important était que nous puissions organiser notre journée. Mais je trouve le délai un peu trop court, ça nous laisse juste une semaine pour informer les élèves et réunir l’argent nécessaire.
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- Néanmoins, j’espère que vous savez où trouvez cet argent ? S’enquit monsieur Gnepo.
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- Nous avons notre petite idée monsieur. Répondit Alain.
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- Ah bon ? fit monsieur Gnepo. C’est bien, mais si vous avez besoin d’aide, n’hésitez pas, venez me voir. De plus, j’aimerais confectionner des affiches sur cette fameuse journée que vous collerez un peu partout dans le lycée. Je pense que cela vous aidera à informer vos amis élèves. Passez après demain, c'est-à-dire le vendredi, dans la salle des professeurs pour récupérer ces affiches. Je crois que d’ici là, elles seront prêtes. »
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Après les avoir une fois de plus remerciés pour le travail déjà accompli, il les encouragea pour celui à venir puis s’en alla. Restés entre eux, les membres du bureau décidèrent d’informer leurs condisciples durant leur tournée de sensibilisation matinale de la ténue d’une journée du ménage au sein de leur établissement. Ils en profiteraient également pour solliciter leur aide en don de matérielle de nettoyage ou une quelconque aide pécuniaire. Cependant, ils décidèrent d’aller rencontrer, juste après la réunion, les membres du conseil scolaire pour solliciter leur aide. Ainsi, c’est un groupe composé de trois membres à savoir Kari, Khalil et Jacques, le deuxième commissaire au compte, qui partit rencontrer le bureau du conseil scolaire. Ceux-ci revinrent un quart d’heure plus tard, apportant une réponse négative.
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C’est le moral au plus bas que Kari rentra à la maison ce jour-là. Ce n’était pas ainsi qu’elle avait imaginé cette journée. Elle avait espéré y voir ses aspirations accomplies, mais la journée ne s’était pas déroulée comme elle l’attendait. Assise près de la fenêtre, Kari avait la gorge serrée par un je-ne-sais-quoi de doute. Elle aurait normalement dû se réjouir en cette soirée. Elle avait quand même réussi à enlever le tas d’ordures et à obtenir l’accord du proviseur pour que se tienne sa journée du ménage. Cependant, son miroir posé à sa droite s’obstinait à réverbérer le profil d’une jeune fille au visage triste. Non, Kari ne pouvait se réjouir. Il est vraie qu’elle avait réussi à avoir l’approbation du proviseur pour la ténue da la fameuse journée du ménage. Néanmoins, certains doutes persistaient. Surtout ceux portant sur les fonds pour acheter le matérielle de nettoyage. Le proviseur avait refusé de les aider tout comme le conseil scolaire. Il ne restait plus que les élèves et monsieur Gnepo. Kari ne nourrissait pas le moindre espoir que ses camarades élèves les aideraient. La rencontre avec le conseil scolaire ne l’avait-elle pas prouvé ? Les membres du conseil avait répondu défavorablement à leurs demande d’aide pour la simple raison que leurs fonds, ceux du conseil bien sûr, étaient destinés à l’organisation de la kermesse de l’école. Kari en fut profondément choqué. Ils préféraient faire la fête plutôt que aider au nettoyage de leur lycée. Mieux, lorsqu’Alain leur demanda s’ils comptaient organiser leur kermesse sans avoir préalablement nettoyé le lycée. Ceux-ci répondirent qu’ils avaient loué un local hors de l’établissement pour cette manifestation. Comment ne pouvaient-ils pas comprendre que nettoyer l’école et y organiser leur kermesse leur reviendrait moins cher par rapport à la somme colossale qu’ils dépenseraient pour la location du local ? Non, ils ne comprenaient pas. Comment alors les autres élèves pourraient comprendre la nécessité d’une journée du ménage ? Aussi, Kari ne voulait pas être aidée une fois de plus par monsieur Gnepo. Il les avait largement aidés en convainquant le proviseur et en proposant de confectionner les affiches pour eux. Il n’allait pas encore acheter pour eux le matérielle de nettoyage, ce serait abuser. C’est avec une forte dose d’incertitude et de scepticisme dans la tête que Kari s’endormit.
C’est franchement découragée que Kari alla avec Joanna et Alan voir monsieur Gnepo le vendredi. Le désappointement total marquait profondément leur visage. Le refus total de leurs condisciples de les aider les avait totalement abattus. La veille, ils avaient sillonnés toutes les classes du lycée pour informer leurs camarades élèves et solliciter leur aide. Ce matin, aucun d’entre eux n’avaient apporté le matériel demandé. Mieux, la somme collectée sur l’ensemble des soixante-dix classes que compte le lycée s’élevait à cinq cents francs. Devraient-ils encore espérer ? De plus, la cohésion au sein du bureau s’en est vue fortement affectée avec le différend qui opposa Alain et Khalil après que Khalil est laissé échapper un sarcastique «â€¯je vous l’avais bien dit ». A vrai dire, Kari ne pouvait blâmer Khalil, il avait raison. Ne les avait-il pas prévenus qu’ils devraient s’attendre à une telle réaction de la part des autres élèves ? Kari regretta de ne l’avoir pas écouté. Elle avait le moral encore plus bas qu’il y avait deux jours.
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Bien que fort peiné par le peu d’engouement dont les élèves avaient fait preuve, monsieur Gnepo, gardait toujours l’espoir que la journée du ménage serait une réussite. De ce fait, il réitéra sa promesse d’aide faite aux membres du bureau il y avait deux jours. Sans hésiter, Kari accepta. Avait-elle seulement le choix ? Après qu’il leur ait donné les affiches à coller, monsieur Gnepo promit d’acheter une bonne douzaine de serpillières ainsi qu’une suffisante quantité de produits de nettoyage qu’il enverrait le mercredi du dit ménage. Pour les balais et les seaux, ils pourraient utiliser ceux des salles de classes. Il fut néanmoins décidé, bien que monsieur Gnepo enverrait l’essentiel du matériel nécessaire au nettoyage, que les membres du bureau devraient continuer à demander l’aide des élèves durant leurs campagnes de sensibilisation matinale. Juste au cas où.
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Le lundi et le mardi passèrent sans que les élèves aient une quelconque réaction face à la demande d’aide du bureau du club d’environnement. Certes, la somme collectée avait sensiblement augmenté, cependant, c’était une réelle indifférence et un agacement total que Kari lisait dans les yeux de ses condisciples lorsqu’elle partait leur parler. La plupart de ceux qui avaient donné de l’argent étaient des membres du club environnement. Elle soupçonnait ceux qui n’étaient pas du club mais qui avaient également accepté de donner de l’argent de l’avoir fait par pitié ou simplement pour qu’on les laisse en paix plutôt que parce qu’ils avaient compris la nécessité de la journée du ménage et qu’ils voulaient qu’elles soient une réussite totale. Peut être espéraient-ils que si ils donnaient quelque chose, ils n’auraient pas à nettoyer le lycée le mercredi comme les autres. Cela attrista fortement Kari. Néanmoins, elle utilisa l’argent récolté pour acheter des râteaux, des gants de protection et des têtes de loups ainsi que des serpillières et des produits de nettoyage afin de pallier à un éventuel déficit du matériel que donnera monsieur Gnepo. Le soir du mardi la vit connaître une joie sans pareil, toute heureuse qu’elle était à l’idée que se tiendrait dans quelques heures sa journée du ménage tant espérée.
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Le lendemain, c’est avec un froncement de sourcil qu’elle huma l’air nauséabond de la route où étaient encore étalées les ordures. Il faudrait que l’Etat organise une journée du ménage pour tout le pays et particulièrement pour cette ville, pensa t-elle. C’est franchement dégoûtée que Kari entra dans son lycée. Comment-avait-on pu laisser cette situation perdurer un mois durant? Kari était vraiment désolée pour son pauvre pays pollué lentement mais surement par son propre peuple. Mais que ne fut l’horreur qui la saisit à l’instant même où elle se rendit compte de ce qu’il y avait à sa droite. Kari avait l’impression de cauchemarder. Ce ne pouvait être possible ! Non ! Là ! Oui Là ! Étalés tout le long du mur, les mêmes ordures qu’elle avait réussies à enlever, siégeaient une fois de plus entourées d’un halo dégoûtant de mouches et d’asticots. Là, dans son lycée, le dégoûtant avait atteint son paroxysme. Mais comment cela avait-il pu se produire ? Pourquoi la faire régresser alors qu’elle était si fière d’avoir ôter cet amas de son lycée ? Pourquoi lui faire ça en ce jour qui devait marquer la renaissance de son lycée ? Le commencement de l’ère de la propreté dans son établissement. Aucun mot de la langue française n’aurait pu traduire l’état d’âme de Kari à ce moment. C’est franchement désorientée et fort dégoûtée du monde que Kari se rendit à la salle des professeurs. Elle frappa à la porte sur laquelle trônait en plein centre une de leur affiche. C’est un professeur barbu qui vint lui ouvrir la porte. Elle demanda après le professeur Gnepo. Le professeur répondit que celui-ci n’était pas là.
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«â€¯Savez-vous s’il vous plaît l’heure à laquelle il viendra, monsieur ? demanda Kari au professeur.
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- Il ne viendra pas aujourd’hui mademoiselle, répondit le professeur.
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- Pardon ? fit Kari, le cœur quelque part au niveau de l’abdomen.
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- Le professeur Gnepo est atteint de malaria, il a été hospitalisé. Il ne sera pas là avant au moins une semaine. Dites-le à vos amis, affirma-t-il, pensant qu’elle devait être une de ses élèves.
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- Mais il n’a pas laissé quelque chose, à vous ou à un de vos collègues pour des élèves ? Un paquet, des serpillières ou quelque chose dans ce genre ? demanda t-elle.
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- Pas que je saches, répondit le professeur. Allez file l’annoncer à tes amis. Conclu-t-il en se retournant, fermant la porte à une Kari mortifiée.
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Les membres du bureau furent complètement déboussolés par la nouvelle. La réapparition des ordures et la maladie de monsieur Gnepo pesaient lourds sur les consciences. C’est terriblement découragés qu’ils partirent dans leurs classes respectives. Leur seul espoir reposait sur les élèves. Mais c’est une surprise encore plus décevante et affligeante que leur fit l’après-midi. Aucun élève n’avait porté une tenue adéquate pour le nettoyage. Ceux qui étaient en ténue civile s’étaient littéralement endimanchés. Quelle plus grande déception pouvait-on encore attendre ? Kari avait perdu toutes ses illusions. Pour ne pas paraître encore plus pitoyable qu’ils ne l’étaient déjà, les membres du bureau aidés par leurs amis membres du club d’environnement entreprirent de nettoyer le lycée. Le travail fut difficile et éprouvant. Ils supportaient et la chaleur de l’après-midi, et les conspuassions de leurs condisciples qui s’amusaient de leurs efforts pour nettoyer l’école. Tant bien que mal, ils réussirent à nettoyer la cour de l’école, à balayer toutes les classes du lycée et à en laver certaines. L’amas d’immondices se trouvait, à présent, emprisonné dans divers sacs-poubelles. Lorsque les élèves furent tous partis et que les membres du club d’environnement allèrent faire leur toilette dans les salles de bains du lycée, Kari, elle, alla se réfugier dans une des salles de classes. Sa journée du ménage pour laquelle elle s’était tant battue était un échec. Certes, ils avaient nettoyé l’école, cependant aucun élève – à part ceux du club environnement – n’y avait participé. Elle avait failli à sa mission. En devenant présidente du bureau du club environnement de son lycée, elle avait espéré pouvoir changer la mentalité de ses condisciples. Elle avait lamentablement échoué. Elle ne se faisait plus d’illusions. De grosses larmes de déception s’échappèrent de ses yeux et s’écrasèrent sur la table sur laquelle elle s’était affalée. A présent, elle pleurait à chaude larmes, exprimant ainsi toute la douleur et la peine qui l’avaient assaillie. Comment ? Pourquoi ? Que n’avait-elle pas fait ? Comment ne pouvaient-ils pas comprendre la nécessité de prendre soin de leur environnement ? Pourquoi ne voulaient-ils pas s’investir dans la sauvegarde de la propreté de leur lycée ? Comment cela pouvait-il être possible ?
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«â€¯Il y a encore de l’espoir, ne désespère pas.
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Kari releva la tête. Qui était venu la surprendre dans sa douleur ?
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- Ce n’est pas la fin Kari, continua Alain qui s’était assis à ses côtés sans qu’elle ne le sache. Arrête de pleurer.
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Elle se redressa tout en essuyant ses larmes toute honteuse qu’elle était d’avoir été surprise dans une telle situation.
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- Comment veux-tu que j’espère encore Alain ? fit-elle. Tu les as vu, vois-tu alors tout le mépris qu’ils ont pour leur environnement ?
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- Il est vrai qu’ils n’ont pas participé au nettoyage aujourd’hui, mais je pense que notre travail a produit son effet.
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- En effet, ils se sont bien amusés en nous regardant nous traîner dans la pourriture.
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- Non, reprit patiemment Alain. Ce n’est pas ça. Désormais, je pense que les élèves vont faire plus attention à leur environnement.
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- Tu es vraiment trop optimiste Alain, affirma Kari en secouant la tête. J’envie ton optimisme.
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- Il ne s’agit pas d’optimisme mais de réalisme Kari. Ils ont beau être entêtés, néanmoins je pense que leur attitude changera lorsqu’ils se rendront compte du danger qui les guette.
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- Cela fait un mois que nous les mettons en garde justement contre ce danger, leur comportement n’a pas changé pour autant.
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- Lorsqu’on leur parlait, il ne voyait pas le danger car il était trop loin d’eux à leur avis. Mais à présent des gens tombent malades. Monsieur Gnepo a la malaria et une fille dans ma classe – une certaine Yvette – a la fièvre typhoïde, deux maladies que nous avons présenté à nos condisciples comme les conséquences de l’insalubrité. A ton avis, combien comme monsieur Gnepo et Yvette sont malades ? Combien le deviendront ? Je pense que c’est à présent que notre vrai travail commence. Nous ne devons pas baisser les bras mais continuer avec encore plus de fougue nos campagnes de sensibilisation en accentuant sur le risque de maladie. Nous devons multiplier nos activités Kari. Je suis sûr que certains élèves rallieront notre cause et convaincront leurs amis. Ainsi, telle une réaction en chaîne, la majorité des élèves du lycée aura pris conscience du bien-fondé du maintien de la propreté du lycée comme l’avait prévu Fatim. Ainsi, lorsque tu organiseras ta deuxième journée du ménage, elle rencontrera l’adhésion de tous et le proviseur sera obligé de l’accepter et tu auras réussi à changer la mentalité de tes condisciples. Conclu t-il un large sourire aux lèvres.
Bien qu’étant toujours fortement peiné, Kari ne put s’empêcher de sourire.
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- Comment peux-tu réfléchir aussi posément devant une pareille situation ? Questionna-t-elle.
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- J’ai simplement foi en ce que nous faisons, répondit-il. Tu devrais toi aussi y avoir foi. Où est passée la Kari que nous admirions tous ? Celle qui se battait contre vents et marées pour le bien être de son lycée. Celle qui nous inspirait et dont nous admirions la persévérance. Où est-elle passée ?
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Kari s’essuya le visage avec un pan de sa chemise puis se tourna vers Alain, les yeux pétillants de détermination.
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- Oui, tu as raison, fit-elle. Je ne dois pas m’adonner au découragement. Tant de choses peuvent être encore faites. Mon lycée a besoin de moi. »
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C’est un Alain tout heureux qui accueillit la décision de Kari. Oui, des actions et des grandes allaient être faites.
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A l’initiative de Kari, une réunion du bureau avec la présence des autres membres du club environnement se tint. Il fut décidé que les tournées de sensibilisation matinale se feraient désormais avec l’aide des autres membres du club. Il fut également décidé que chaque soir après les cours, les membres du club environnement – ainsi que toute personne qui voudrait les rejoindre – nettoieront la cour de l’école et une fois par semaine, balayeront les salles de classes.
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« L’on pourrait également sensibiliser les professeurs, proposa Khalil.
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- Pourquoi les professeurs ? demanda Joanna.
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- Je pense que certains comme monsieur Gnepo voudraient voir leur école propre, répondit-il. Et je pense aussi que ceux qui ne se préoccupaient pas de la propreté de leur environnement, devraient à présent, avec la maladie de monsieur Gnepo, avoir compris la nécessité de la préserver. Tous nous seront d’une grande utilité.
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- J’avoue ne pas te suivre Khalil, affirma Fatim. En quoi pourraient-ils nous être utiles ?
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- Imagine Fatim que nous expliquions aux professeurs les difficultés que nous rencontrons pour inculquer à nos amis élèves les notions de respect de l’environnement, de maintien de la propreté de leurs salles de classes et de la cour de l’école. Et que nous insistions sur le fait que cela est la cause des maladies telles la fièvre typhoïde ou encore la malaria qu’a contracté leur collègue, monsieur Gnepo. Aussi comme solution, nous proposons aux professeurs de ne pas entrer dans les classes qui ne seront pas balayées. Les professeurs, inquiets pour leur santé, nous approuveraient et appliqueraient notre méthode. Les élèves, inquiets pour leurs notes, nettoieraient chaque matin et soir leurs classes et à force de le faire cela deviendrait une habitude et une mentalité. Génial non ?
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- Mouais… Pourquoi pas ? fit Jacques.
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- Ce n’est pas toi qui refusais qu’on n’impose des activités à nos chers amis élèves ? remarqua Alain, un sourire moqueur aux lèvres.
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- Faut croire que j’ai revu ma position, répondit calmement Khalil. »
Après une brève concertation, les membres du club environnement approuvèrent l’idée de Khalil. Ils constituèrent ensuite les nouveaux groupes de sensibilisation puis mirent fin à la réunion.
Les deux jours qui suivirent ainsi que ceux des trois semaines d’après furent fort riches en péripéties. Bien entendu les membres du club environnement avaient continué les tournées de sensibilisation. Les heures après les cours les voyaient nettoyer la cour de l’école. Néanmoins, c’est avec tristesse que ceux-ci apprirent la mort de l’élève Yvette. Les membres du club environnement en furent fort peinés. Cependant, le rapide accroissement des nombres de malades de la fièvre typhoïde ou du paludisme ainsi que la mort d’Yvette, avait fortement joué sur le mental des élèves. Ainsi, chaque soir, voyait le nombre des membres du club environnement augmenté sensiblement durant leur nettoyage. L’idée de Khalil avait également porté ses fruits. Les salles de classes étaient de plus en plus propres et les élèves jetaient de moins en moins leurs emballages par terre. Les poubelles avaient retrouvé leur utilité. La meilleure nouvelle fut la décision de l’administration de sensibiliser les élèves au maintien de la propreté du lycée vu l’incroyable nombre de personnes malades ainsi que l’organisation d’une séance de vaccination contre la fièvre typhoïde au sein du lycée. Cette nouvelle réjouie fortement Kari bien que Khalil l’informa que s’était le ministère qui l’avait demandé après avoir vu lui aussi le nombre de malades de la fièvre typhoïde et du paludisme du lycée. Les parents d’élèves, avertis de l’affaire de l’amas d’ordures nuitamment apporté par les riverains, dotèrent l’établissement d’un système de sécurité performant accompagné de deux vigiles. Aussi, le conseil scolaire fit part au bureau du club environnement de sa volonté d’organiser une autre journée du ménage. Cette idée séduit fortement Kari, et c’est avec le consentement total du proviseur qu’ils décidèrent que la journée se tiendrait l’après-midi du mercredi qui suivait. Le conseil décida que cette journée ne devrait pas se limiter au nettoyage du lycée mais devrait aussi toucher son embellissement. Ainsi, en plus des seaux, serpillères, balais, produit nettoyants, têtes de loups, gants et râteaux, les fonds fusionnés de l’administration, du conseil scolaire et du club d’environnement servirent à payer des fleurs et des pots de peintures. Cette seconde journée du ménage serait sans aucun doute phénoménale.
Finalement la fameuse journée arriva. C’est à la fois heureuse et ébahie que Kari regardait ses condisciples laver leur salle de classe et planter des fleurs tandis que des peintres rafraichissaient les murs de l’école. Kari était contente mais conservait néanmoins un poids sur le cœur. Elle avait certes changé la mentalité de ses condisciples mais Dieu seul savait combien de gens dans le pays prenaient les écoles, les caniveaux et les routes pour des poubelles à l’instar des riverains du quartier où se trouvait son école. Les déchets sur la voie principale de la ville le prouvaient.
C’est franchement décidé que Kari alla voir le lendemain le proviseur, flanqué d’Alain et d’Aristide le président du conseil scolaire qui approuvait tout deux son idée. Kari, avait eu l’idée d’organiser une grande journée du ménage dans la ville afin que ne puisse se répéter dans un quelconque autre endroit la situation vécue au lycée à savoir l’épidémie de fièvre typhoïde ou le dépôt d’ordures dans les endroits non appropriés. Elle comptait sur ses amis élèves pour sensibiliser leurs parents. Elle espérait aussi que les parents des élèves qui ont été malades sensibiliseraient leurs voisins afin que cette journée soit une réussite. Sans surprises le proviseur approuva leur idée et proposa d’aller en parler personnellement au maire. Bien qu’elle soupçonnât qu’il le fit pour se faire bien voir par le ministre (après tout, on dira que ce sont ses élèves qui ont organisé la journée du ménage) Kari en fut néanmoins touchée. Une semaine plus tard, des affiches annonçaient la tenue d’une grande journée du ménage dans la ville. Toutes ses affiches portaient le même slogan : «â€¯un citadin, un balai ». Durant cette campagne de sensibilisation, les membres du club environnement entreprirent de nettoyer déjà certaines rues de la ville afin d’inciter les habitants de ses rues à faire de même. Comme l’avait espéré Kari, les élèves du lycée avait rallié à leur causes leurs parents. Les rues se faisaient plus propres et les espaces verts plus sains. Ainsi, le jour de la manifestation, c’est une grande foule, dont les membres avaient chacun un balai en main, qui se déversa dans les rues de la ville. Que ne fut la joie de Kari quand des camions poubelles vinrent débarrasser les routes des déchets qui les encombraient. Que ne fut son ravissement lorsqu’apparut le maire en bottes et en gants, un balai à manche à la main. Que ne furent les ovations de la foule lorsque celui-ci entreprit de nettoyer lui seul la route sur une bonne longueur. Que ne furent les cris de joie qui fusèrent de la foule lorsque le ministre de l’environnement lut le décret présidentiel qui élevait la journée du ménage au rang de manifestation annuelle. C’est avec fierté que Kari empoigna le manche de son balai et nettoya avec entrain la portion de rue qui lui avait échue. Tous autour d’elle accomplissaient avec sérieux leurs tâches quand bien même ils se trouvaient occupés à déboucher des caniveaux le nez respirant de nauséabondes odeurs. Kari le savait, jamais plus l’on ne pourra traiter les citoyens de son pays de personnes sales peu soucieuses de leur environnement. La journée qu’elle vivait venait démentir tous ces préjugés. En regardant les citadins travaillés, Kari voyait tous ses rêves se réaliser. Elle avait espéré changer la mentalité de ses condisciples, elle avait réussi. Elle rêvait de voir son pays propre avec des citoyens soucieux du maintien du caractère sain de leur environnement. Cela n’était-il pas en train de se produire ? A présent, elle rêvait d’une planète saine où tous les habitants se soucieraient de la préservation de l’environnement, mais ça, c’était une toute autre affaire.